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On ne nait pas entrepreneur, on le devient


Rokia votre enfance est importante ?

Je suis née au Mali et j’ai rejoint mon père pendant mon enfance en France. J’ai été élevée par la première épouse de mon papa. J’ai eu cette chance là, un peu comme dans le film « Va, vis et deviens ».

L’exil m’a permis d’avoir ce destin car j’avais des problèmes de santé. Je suis atteinte de dyspraxie visuo-spatiale, j’ai un glaucome, une forte myopie et une maladie génétique sanguine. Pour ma mère, cela était aussi une garantie que j’allais pouvoir avoir des soins en France. J’ai eu la chance d’être élevée par une femme comme ses propres enfants. C’est grâce à la volonté de deux femmes extraordinaires, une qui m’a mise au monde et une qui m’a élevé que j’ai eu ce destin.


Et quel a été votre parcours scolaire et universitaire ?

J’ai commencé par des études professionnelles. Mon BEP Carrière Sanitaire et Sociale en poche, j’ai pu travailler les weekends et pendant les vacances scolaires. Cela m’a permis de continuer mes études et de passer un bac technologique Science Médicale et Sociale. J’ai alors fait une année de DEUG de bio avant de me réorienter en Administration Économie et Sociale et j’ai ainsi validé mon premier cycle universitaire.


C'est à partir de ce diplôme que vous avez travaillé ?

Oui j’ai commencé à travailler dans l’assurance et la banque. En 2004, j’ai eu mon premier CDI chez Banque Directe qui est devenu Axa-Banque. J’avais un profil très généraliste et cela plaisait à ce type de secteur. Ça a été une belle expérience avec de belles équipes. En 2009 toujours au sein du groupe Axa je me suis tournée vers l’assurance et de la gestion de risque car c’était le cœur de métier de mon employeur. Pendant 10 ans j’ai géré toute sorte de sinistre et cela m’a donné une idée très précise du changement climatique et de son impact.


C'est là qu'intervient un double changement dans votre vie ?

Je suis devenue maman en 2012 et 2015 et en 2017 j’ai décidé de reprendre mes études. J’ai préparé le concours d’entrée à Science-po. J’ai été retenue, j'ai vécu 2 années très riches à tout point de vue. C’est une école où j’avais toujours eu envie d’aller mais il fallait que ce soit le bon moment et après avoir été maman c’était le bon moment et j’ai accompli un rêve. J’ai eu mon diplôme en 2020 et je suis devenue jeune diplômée de deux fois 20 ans avec le Covid. Comme tout le monde, j’ai eu une prise de conscience, avec l’envie de décider ce que j’avais vraiment envie de faire professionnellement, avec mon expérience. J’ai vu l’opportunité de me lancer dans l’entreprenariat.


Quelle a été alors votre démarche ?

Compte tenu de mon handicap j'ai trouvé H’Up une structure qui accompagne les personnes handicapées. C’était important pour moi de trouver une structure qui comprenne que j’avais envie d’entreprendre. On ne nait pas entrepreneur, on le devient et on le devient parce que des personnes vous aident sans vous juger. Je cherchais un éco-système où on allait à la fois être exigeant avec moi mais également tenir compte de mes différences.


Comment H’Up vous a accompagné ?

H’up, grâce au suivi de ses équipes et le mentorat, m’a permis de mettre le pied à l’étrier de l’entreprenariat. J’avais vraiment une barrière d’entrée qui était celle de l’écrit. J’ai toujours travaillé dans des métiers techniques et je ne savais pas comment faire une présentation d’entreprise. Mes mentors m’ont permis de lever cette difficulté. Une fois que j’avais fait le pré-travail, j’avais besoin de quelqu’un qui m’aide à structurer ce que j’avais fait et prendre le temps d’y réfléchir. Je tiens à remercier mes mentors, Chloé, Solène, Matthieu. A chaque étape du projet, ils m’ont apporté des compétences et ils m’ont challengé. Je ne me sentais pas handicapée, j’étais juste une entrepreneuse qui était challengée par des professionnels. Et avec le temps, j’ai appris à présenter mon projet et gagner des prix. En 2020, j’ai mis en place mon projet.


Et miam-miam family est née ?

En 2021, j’ai fait les premiers tests terrain avec Miam Miam Family. J’ai créé la structure juridique de Miam Miam Family en 2022. J’ai été Lauréate French Tech Tremplin avec une bourse. J’ai également été Lauréate de la bourse Google et Inco Sociale Tides. L’Agefiph m’a également soutenu avec l’aide à la création d’entreprise. Nous avons notamment été finaliste cette année des jeunes talents Jeux Olympiques.

Ce que m'ont apporté également mes mentors, c’est l’envie de collaborer et de m’associer à quelqu’un qui aurait une vision différente de la mienne. Seule, je suis allée vite et avec le bon associé, nous irions plus loin.


Parlez-nous de l'ambition de votre entreprise ?

Je viens d’un endroit du monde où la frugalité et le fait de ne pas gaspiller était important et cela été important pour moi. En travaillant dans la gestion des risques, je me suis rendue compte que la sécheresse était également très présente en France. Le gaspillage n’est pas toléré par la population. 90% des français sont contre le gaspillage alimentaire. Quand les lois sur le gaspillage sont arrivées, l’État a apporté une réponse aux valeurs des citoyens.

Je voulais trouver une solution anti gaspillage afin de faciliter l’accessibilité alimentaire au sein des familles et pour les jeunes. C’est l’ambition de départ de Miam Miam et le problème à résoudre.


Et comment opérationnellement concrétiser cette ambition ?

Effectivement il fallait trouver par où commencer. Quand j’étais jeune, j’ai fait du judo et Hamza, mon associé qui m’a rejoint il y a un an a fait du football et du Futsal en Ligue 1. On a tous les deux eu des parcours où le sport nous a apporté beaucoup de chose pendant nos vies respectives.

Quand je suis allée l’année dernière à la remise de prix des trophées H’Up, j'ai rencontré un des fondateurs d’Ÿnsect, la start-up qui transforme les insectes en alimentation animale, et je lui ai présenté mon projet : lutter contre le gaspillage alimentaire, éduquer à une alimentation saine et gourmande et insister sur l’importance de la nutrition. Nous étions en train de tester ce concept dans le club de sport de mes enfants et je faisais également des repas 0 déchet dans les écoles hors contrat.

Et de cet échange est né le projet ?

Incroyable il a pris son téléphone et m’a montré « les breakfast clubs » qui ont été créés en Angleterre par le footballeur international anglais Marcus Rashford. En association avec une startup il s’est engagé dans la lutte contre la précarité alimentaire, qui touche 1 enfant sur 5 dans son pays. Cela m’a ainsi permis d’avoir le pitch de Miam Miam Family : favoriser la pratique sportive et le bien-être tout en favorisant l’accessibilité alimentaire pendant cette pratique sportive.

Et vous vous appuyez sur des arguments scientifiques

Je me suis en effet rendue compte que 25% des 9-19 ans avaient perdu de leur capacité cardio-vasculaire. Il y a 3 facteurs qui l’explique: la nutrition, les écrans et la sédentarité liée à la consommation d’écran.


L'idée a ensuite fait son chemin ?

Oui j'ai contacté des clubs sportifs et nous avons prospecté le marché du sponsoring sportif. A un an des JO, c’est un marché porteur qui répond à un vrai besoin. Miam Miam Family est le seul acteur présent sur les terrains de sport. On amène des encas et des gouters anti-gaspi car nous nous fournissons auprès des agriculteurs dans tout ce qui est moche mais bon. Cela permet de prôner une alimentation brute de fruits et légumes mais également de la transformation avec des gâteaux de légumes et de fruits. On emmène aussi des diététiciens sur le terrain pour faire des profilages nutritionnels, des quizz sport et santé ainsi que de la prévention auprès des parents. On apporte du bien être et du bien manger et on donne envie aux parents de déposer les enfants car ils savent qu’il n’y a pas besoin de s’occuper de l’encas de 11h et qu’il y aura des goûters équilibrés et un diététicien qui sera présent.


Et vous avez trouvé des soutiens ?

On a la chance d’avoir eu des partenaires comme Orange Sponsoring, Renko France ou la mairie du 10ème arrondissement de Paris. On intervient pendant toutes les vacances scolaires au F.C des Lilas, ce qui nous permet de plus doubler le nombre de participants aux ateliers de 30 à 70 enfants. On a vu qu’en déchargeant les parents et le club, on favorisait la pratique sportive d’enfants qui aiment faire du sport et ceux qui profitent des vacances scolaires sans avoir une pratique sportive régulière.

Durant notre dernier atelier, on a eu la chance de finir la semaine en présence de Luis Fernandez. Il nous a fait l’honneur de faire un entrainement mais également de donner des conseils de nutrition.


Quelle suite comptez-vous donner ?

La première brique de Miam Miam Family est de prendre de la donnée sur le terrain et comprendre quelles sont les vraies habitudes des enfants, des jeunes et des parents. Cela nous permet de construire des solutions avec eux et les clubs.

Nous sommes en train de passer sur la partie technologique du projet. Nous désignons et codons une plateforme de données qui va permettre a ceux qui ne font pas de sport d’amener le sport chez eux. C’est la deuxième partie qui en cours de construction. Grâce au terrain nous faisons de très bonnes rencontres qui vont nous permettre de faire les séquences vidéos pour notre plateforme. J’ai aussi fait dernièrement mon premier atelier avec des lycéens dans le 10ème arrondissement de Paris. L'école c’est la prochaine étape après les clubs de sport.

Je souhaite enfin expérimenter la plateforme le sport dans le département de la Seine-Saint-Denis dans un premier temps, car je suis depuis peu ambassadrice du 93 et que ma famille habite ce département, une manière de rendre à ce territoire ce qu'il m'a offert !


Avec le recul, qu’est ce qui vous a paru l’obstacle le plus compliqué ?

Je dirais que j’ai toujours eu à m’adapter. Ma logique n’est pas celle communément admise. L’adaptation n’a jamais été un problème. Quand tu as une différence visible qui a un impact sur ta vie quotidienne, tu développes une grande capacité d’adaptation et de résilience. J’avais déjà tout ça en moi. Le bloqueur était vraiment lié à la dyspraxie, la dyslexie et les problèmes visuels. C’était un vrai frein, j’avais besoin de comprendre la logique du monde l’entreprenariat et d’apprendre. H’Up m’a apporté cela. Sans une structure comme H’Up où tu peux dire à un mentor que tu ne comprends pas c'est compliqué de monter en compétence. Entreprendre c’est passé son temps à montrer des choses et faire des présentations. Pour moi c’était très difficile car il fallait organiser, résumer à l’écrit. H’Up m’a connecté à des gens à qui j’ai pu parler librement de mes qualités et mes défauts et cela a été un formidable accélérateur. Ça m’a aussi permis d’aller dans d’autres incubateurs. J’ai pu normaliser mon parcours d’entrepreneuse pour aller dans des structures plus classiques. Toutes les personnes avec un profil comme le mien devraient pouvoir passer par un incubateur spécifique comme H’Up. Ils accompagnent des entrepreneurs avec des profils et des freins très variés. Sans H’Up j’aurais du payer pour faire à ma place et je n’aurai pas pu monter en compétence.


votre plus grande fierté

Ma plus grande fierté est de pouvoir mettre sur Linkedin « Handipreneuse - Miam Miam Family solution anti gaspillage au service du sport », d’assumer, tout simplement, l’entrepreneuse que je suis avec mes richesses et mes différences et de me sentir légitime également. Ces trois années m’ont permis d’assumer, de monter en légitimité et d’avoir des résultats concluants et objectifs dans un domaine où on attend pas forcément une personne handicapée.

J’ai des problèmes de mobilité, j’ai fait du judo et j’ai beaucoup de choses à apporter au sport. J’ai aussi géré des risques climatiques et j’ai aussi beaucoup de choses à apporter au monde. Je suis aussi diplômée en sociologie du numérique. Je pense que c’est parce que je suis une handipreneuse que j’ai cette vision là des choses et que je sais qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Pour moi le sport a été vraiment utile pour me rééduquer sur certaines choses, pour prendre confiance en moi. H’Up m’a aussi montrer qui j’étais et de quoi je pouvais être capable.


Un dernier conseil à partager ?

Je me suis dit au départ de mon parcours, je n’y connais rien et je vais prendre le premier programme de H’Up. Il ne faut pas se sur-estimer et il faut toujours reprendre les bases. Même si le projet est très clair, cela permet de tout clarifier et de repartir avec des bases solides. C’est comme un arbre ou une maison, si les fondations ne sont pas bonnes, ça finit par s’écrouler.

Il faut faire preuve d’humilité dans un écosystème exigeant et bienveillant. Il faut commencer par la base, reprendre son projet de A à Z pendant 6 mois. Cela permet après de l’accélérer encore plus vite.


Pour en savoir plus sur miam miam family voir le site internet rokiamiammiamfamily@gmail.com

ou vous pouvez joindre Rokia au 0675002933



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